...On le voit, les timbres oblitérés ont du bon, et
n'auraient-ils d'autre but que de démontrer que
l'infaillibilité n'existe pas ici bas, que ce serait déjà
quelque chose.
Page XXIV - Croissant-Toughra.
Armoiries de l'Empire Ottoman, par
F. Mongeri.
Page XXVII - Les premiers Timbres
français, par C. P. M. P.
Mon cher monsieur Moens,
Vous me demandez de faire, pour ce que vous nommez : Le numéro
Jubilaire de votre journal le Timbre-Poste, un article sur
les premiers timbres français. Vous ne pouvez douter de mon bon
vouloir en ceci ; mais le sujet que vous m'indiquez a été
tellement exploité que je ne sais vraiment s'il y a encore là
quelque chose à glaner. En outre, isolé comme je le suis, tout
en dehors
du mouvement des choses qui se rapportent aux timbres, et
dépourvu de tous documents, j'ai bien peur de ne faire rien qui
vaille. Quoiqu'il en soit et sans autre préambule, je mets ce
qui suit à votre disposition ; à vous de juger si ces quelques
lignes
peuvent remplir votre but. C. P. M. P.
C'est en 1848 que la France, toujours à la tète du progrès,
s'il faut en croire de maladroits chauvins,
songea sérieusement à se pourvoir de timbres-poste.
Un projet de décret dans ce sens fut présenté le 26 mai 1848,
à l'Assemblée Nationale; l'on était
alors en République. Une Commission fut nommée immédiatement
et malgré les néfastes événements
de juin, un rapport favorable put être déposé moins de trois
mois après, le 17 août, sur le bureau
de l'Assemblée, par le citoyen St-Priest.
Le décret ne fut pas voté d'emblée; il y eu lutte, vu le
mauvais état des finances. Cependant le bon
sens l'emporta et le 24 août 1848, le décret heureusement
passa. Pouvait-on plus longtemps rester en
arrière? Depuis neuf ans déjà l'Angleterre avait accompli sa
réforme postale, et dans la même
voie étaient entrés, depuis, divers grands et petits
gouvernements ; tels que ceux des Etats-Unis
d'Amérique, de l'Empire du Brésil, du canton suisse de Zurich,
de celui de Genève, de la ville de
Bâle, de File Maurice (colonie anglaise), etc.
Cette réforme postale portait sur quatre points. Jadis le taux
de la taxe des lettres était basée sur
la distance à parcourir: ce taux était fort élevé; la taxe
était généralement payée par le destinataire
et elle devait l'être en monnaie, au moment de l'envoi ou de la
réception de la missive. Or, la
réforme à accomplir visait au contraire 1° un taux uniforme
quelle que fut la distance; 2° une
taxe aussi réduite que possible; 3 le paiement de cette taxe par
l'expéditeur plutôt que par le destinataire;
enfin 4° la possibilité de mettre l'expéditeur à même de
payer cette dite taxe, à toute
heure de nuit et de jour, sans avoir besoin d'entrer dans aucun
bureau de poste.
Les deux premiers points devaient amener une notable diminution
dans les recettes, du moins au
début ; mais on comptait, avec juste raison, sur un
accroissement considérable et toujours progressif
des correspondances. Toutefois on n'osa pas, en France, imiter
tout-à-fait l'Angleterre, et réduire
à 10 centimes le taux uniforme delà taxe d'une lettre; on ne
descendit pas plus bas que 20 centimes pour
toute missive du poids de 7 grammes et demi et audessous,
circulant de bureau à bureau à l'intérieur
de la France y compris la Corse et l'Algérie. Les lettres pesant
de 7 grammes et demi à 15 grammes
furent taxées à 40 centimes. Enfin les lettres et papiers d'un
poids excédant 15 grammes et n'en
dépassant pas 100 devaient payer 1 franc.
Au-delà de 100 grammes la taxe fut fixée aussi à 1 franc par
chaque 100 grammes ou fraction de
100 grammes excédant.
Quant aux deux derniers points ils furent atteints en mettant à
la disposition du public des cachets
ou timbres mobiles, gommés au dos et pouvant ainsi être
apposés sur les lettres avant de les jeter
à la poste. Ces timbres, de couleurs différentes, devaient
être vendus par FAdministration au prix
de 20 centimes, de 40 centimes, et de 1 franc, et placé sur une
lettre, servir à son affranchissement
selon son poids.
Ce ne fut qu'à partir du 1 er janvier 1849, que le nouveau
système put être mis à exécution.
Dans l'intervalle, l'Administration des finances eut à s'occuper
des moyens d'exécution du décret
voté par l'Assemblée nationale et entr'autres du dessin des
timbres, de la reproduction de ce dessin,
ainsi que de la couleur à attribuer à chacune des valeurs à
émettre.
Le dessin et la gravure de ces premiers timbres français sont
l'uvre, croyons-nous, du
célèbre graveur de la Monnaie de Paris, J.J. Barre, et
peut-être aussi de son fils A. Barre qui, quelques
années plus tard, succéda à son père dans les fonctions de
graveur de la Monnaie. La reproduction
du coin et la fabrication des timbres furent ensuite confiées à
un autre graveur, célèbre aussi,
et nommé Hulot. Grâces à ces éminents artistes la France, par
ses premiers tinjbres-poste put immédiatement
rivaliser avec les plus beaux spécimen alors connus : ceux de la
Grande-Bretagne par
exemple, et ceux des Etats-Unis d'Amérique.
On fut moins heureux en ce qui regarde les couleurs des timbres.
Il est vraiment déplorable
d'avoir à constater que, soit ignorance, soit insouciance, on a
fait, un peu partout et notoirement en
France, à ce sujet, école sur école. Pour nous en tenir, ici,
aux seuls timbres français de la
première émission, nous n'allons parler que de la faute
commise, à l'époque de cette émission,
en ne profitant pas des expériences faites ailleurs et par suite
en faisant emploi, pour l'un
des trois timbres à émettre, d'une couleur déjà reconnue
défectueuse. Nous voulons parler du
timbre noir de 20 centimes.
La couleur noire avait déjà été, neuf ans avant la création
des timbres français, désignée, en
Angleterre, pour les timbres de taxe simple fixée à un penny et
c'est ainsi, du reste, qu'ils firent leur
apparition et furent maintenus en circulation depuis mai 1840
jusqu'en janvier 1841. Mais on se
rendit bien vite compte des désagréments qu'entrainait son
emploi. D'abord la contrefaçon du
timbre en était facilitée; ensuite, et surtout, on constata que
les marques d'oblitération, noires
aussi, restaient le plus souvent invisibles et que par cette
similitude de couleurs, le même timbre pouvait,
presque impunément, servir plusieurs fois, au moyen d'un lavage,
et même sans lavage ni grattage.
On chercha à obvier cet inconvénient en substituant, pour les
oblitérations, la couleur
rouge à la couleur noire ; mais cela eut peu de succès et au
bout de huit mois, c'est-à-dire en janvier
1841, de nouveaux timbres de un penny, imprimés cette fois en
brun-rougeâtre, parurent et vinrent
supplanter tes timbres noirs primitifs.
La question devait donc être, dès lors, considérée comme
tranchée pour tout le monde. Le noir
était une couleur qui ne pouvait être employée pour les
timbres-poste qu'après avoir épuisé toutes
celles dont l'emploi ne présentait aucun inconvénient, et on
devait, pas dessus tout, ne l'attribuer,
en tous cas, à aucune des valeurs d'un usage fréquent.
Le gouvernement français fit donc tout le contraire de ce qu'il
fallait faire en donnant à son timbre
de taxe simple la couleur noire. Il s'en repentit immédiatement,
mais moins prompt que les anglais,
à revenir sur l'erreur commise, ce ne fut qu'en juillet 1850 que
la faute fut réparée et que les
timbres-poste servant à l'affranchissement des lettres simples
devinrent, de noirs qu'ils étaient à
leur début, les timbres bleus que nous connaissons aujourd'hui
et qui sont demeurés tels depuis, sauf
le dessin, bien entendu.
Un autre des trois timbres décrétés le 24 août 1848, eut à
subir une modification analogue.
Sur ces trois timbres, deux seulement furent livrés au public le
premier janvier 1848, le timbre-
poste noir de 20 centimes représentant la taxe d'une lettre ne
pesant pas plus de 7 grammes et
demi, et le timbres de 1 franc destiné à l'affranchissement des
lettres et papiers d'un poids dépassant
15 grammes et n'allant pas au delà de 100 grammes; à ce timbre
on affecta la couleur vermillon;
c'est ainsi qu'il parut en effet. Cela dura six à sept mois,
mais en août 1849, on changea tout à
coup la couleur du timbre de 1 franc. De vermilIon il devint
carmin plus ou moins foncé ; avis en
fut donné à tous les directeurs des postes et un spécimen du
timbre avec sa nouvelle couleur leur
fut envoyé.
Quel fut le motif d'un pareil changement? Nous l'ignorons ; mais
voici ce qui est supposable.
Le timbre de 40 centimes n'avait pas été livré au public en
janvier 1849, comme ceux de 20 centimes
et de 1 franc ; il ne parut même qu'en décembre 1849 et était
de couleur orange. Or, le
vermillon du timbre de 1 franc, et la couleur orange du timbre de
40 centimes devaient forcément
se confondre. On s'en aperçut probablement et fort heureusement
à temps, et avant de lancer le
40 centimes, orange, on modifia la couleur du 1 franc et on le
rendit carmin.
Les trois timbres dout nous venons de parler forment ce qu'on
peut appeler la première série des
timbres-poste français. Cette première série dura de janvier
1849 à juillet 1850, époque à laquelle la
la taxe postale fut portée de 20 centimes à 25 centimes.
PREMIÈRE SÉRIE DES TIMBRES- POSTE FRANÇAIS.
République française. Taxe à 20 centimes.
1° 20 centimes : noir sur papier blanc ou légèrement teinté
jaunâtre ou verddtre. Emis janvier 1849.
2° 40 centimes : orange, papier très légèrement teinté
jaunâtre, ou mieux "cream laid". Emis décembre 1849.
3° 1 franc : vermillon; papier plus ou moin légérement teinté
jaunâtre. Emis janvier 1849. Couleur vermillon changée en
carmin à partir d'août 1849.
DURÉE DE LA SÉRIE.
De janvier 1849 à juillet 1850.
TYPE :
Tète de Liberté dans un cercle perlé. repub. franc, en
haut.
Valeur avec le mot postes, en bas.
Papier uni, teinté. Timbres non perforés.
La réforme postale en France fut décrétée comme nous l'avons
dit en août 1848, à propos du budget
de 1849
Lorsqu'en 1849 on eut à s'occuper du budget de 1850, la question
fut mise de nouveau a l'ordre
du jour. On ne toucha pas au système de la taxe uniforme, mais
en face des embarras de plus en
plus grands causés par la crise financière on résolut
d'élever la taxe et de la porter de 20 centimes
à 25 centimes: misérable ressource; mais la majorité à
l'Assemblée Nationale le voulut ainsi.
Le projet lut présenté le 3 août 1849; le rapport fut déposé
par le citoyen Gouin le 16 mars 1850;
la discussion eut lieu le 17 mai suivant et le lendemain, 18 mai,
la loi fut votée, pour entrer en
vigueur à partir du 1er juillet 1850. Conformément à cette
loi, le timbre de 20 centimes devint timbre
de 25 centimes; les timbres de 40 centimes et de 1 franc
demeurèrent sans modification, et comme
appoints, au lieu de créer un timbre de 50 centimes supprimant
celui de 40 centimes, on créa deux
nouvelles valeurs, savoir : un timbre de 10 centimes et un de 15
centimes.
Le public fut généreusement averti qu'il pourrait à l'aide de
ces divers timbres, faire toutes les
combinaisons pour arriver à l'affranchissement de ses lettres;
en outre, on le prévint, non moins
généreusement, que s'il en mettait, de ces timbres, plus qu'il
n'en fallait, le surplus ne lui serait pas
remboursé.
Les mêmes artistes que précédemment concoururent à la
création et à la multiplication des nouveaux
timbres et continuèrent à donner, tant à l'Administration
qu'au public, toute satisfaction.
Le timbre de 10 centimes eut la couleur bistre ; celui de 15
centimes fut émis vert; le 25 centimes
fut imprimé en bleu et non en noir comme son prédécesseur le
20 centimes ; le 40 centimes resta
orange, et le 1 franc continua à être carmin, mais d'un carmin
de plus en plus foncé.
Rien à dire contre cet arrangement si ce n'est peut-être que le
timbre vert de 1 centime pouvait,
à la lumière, être parfois confondu avec le 25 centimes bleu.
Nous allons terminer cet aperçu des premiers timbres français
en donnant, pour la deuxième
série, comme nous l'avons fait pour la première, un tableau
synoptique des valeurs qui la composent.
DEUXIÈME SÉRIE DES TIMBRES-POSTE FRANÇAIS.
République française. Taxe à 25 centimes.
1° 10 centimes : bistre sur papier légèrement teinté. Emis 23
juillet 1850.
2° 15 centimes : vert sur papier teinté. Emis 12 septembre
1850.
3° 25 centimes : bleu sur papier teinté. Emis 1er juillet 1850.
4° 40 centimes : orange sur papier teinté. Emis décembre 1849.
5° 1 franc : carmin foncé sur papier teinté. Emis 1er janvier
1849, en vermillon puis changé en carmin août
DURÉE DE LA SÉRIE :
Du 1er juillet 1850 au 12 août 1852.
TYPE :
Semblable en tous points à celui de la 1ere série.
Timbres imprimés sur papier sans filigramme officiel, et livrés
au public sans être perforés.
25 Avril 1887. C. P. M. P.
Page XXX - Notations des Monnaies dans
l'Inde, par L. Rodet.
Page XXXI - Particularités postales, par le Comte de St-Saud.
(Lettre-Causerie)
Page XXXIII - QUELQUES REMARQUES A L'OCCASION DE CE
NUMÉRO JUBILAIRE & NOTES, par T. K. Tapling.
sur quelques variétés de timbres de Ceylan
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