Le Timbre-PosteAnnée 1863

Journal du collectionneur, de Moens en février 1863.

Réédité en 1970.

https://archive.org/details/timbreposteetlet18631brus

 

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Le Timbre-Poste de Moens
8 pages x 12 mois
1863

 

Extrait du premier numéro :

BUT DE CETTE FEUILLE.

Depuis ces deux dernières années, les différents types de timbres-poste de tous pays
ayant été s'augmentant de jour en jour d'une façon qui dépassait toutes les prévisions, il
devenait urgent que les collectionneurs connussent, le plus exactement possible, l'état
des timbres existant, sur une grande partie desquels ils n'avaient généralement que des
données fort incertaines.

Nous entreprîmes donc d'en faire la statistique et fîmes paraître, il y a un an, un premier catalogue.

Mais ce n'était pas assez que d'en faire la simple nomenclature ; nous fîmes encore la
description détaillée de chaque timbre, nous en donnâmes la valeur, le dessin, la nuance,
la forme, accompagnant le tout d'une notice sur la date d'émission. Dieu sait le travail
auquel nous dûmes nous livrer, les recherches qu'il nous fallut faire, pour nous procurer
une foule de timbres dont l'existence n'était jusqu'alors que problématique ; mais
nous ne reculâmes devant rien et publiâmes enfin notre Manuel du collectionneur de timbres-poste.

Trois éditions de plusieurs tirages chacune, qui furent épuisées en moins d'un an, nous
dirent que les amateurs avaient apprécié notre travail, qui mérita de plus les honneurs de
la contrefaçon et de la traduction en plusieurs langues.

Toutefois, si nos Manuels ont rendu et rendent encore de si grands services, s'ils sont
et seront toujours indispensables au collectionneur, il faut reconnaître qu'il est un point
sur lequel ils ne répondent plus entièrement aux besoins des amateurs.

Quelque rapprochées que soient les éditions, la multiplication des timbres de toutes
valeurs et origines est telle, qu'un Manuel n'est matériellement au courant que pendant
peu de temps. C'est pour obvier à ce grave inconvénient que nous publions le TIMBRE-
POSTE.

Cette feuille paraîtra mensuellement et donnera la liste et description exactes de tous
les timbres parus dans le mois.

Elle contiendra également notre prix-courant du jour.

Nous disons le prix du jour, parce que nos lecteurs savent à quelles fluctuations les prix
sont sujets, suivant le plus ou moins de rareté du timbre; c'est ainsi que nous ne traiterons
jamais que d'après le tarif du dernier numéro paru, les prix d'hier n'étant pas ceux
d'aujourd'hui et ceux d'aujourd'hui n'étant peut-être plus ceux du lendemain ; il y a
même, en dehors de ceux qui figureront sur notre prix-courant, un grand nombre de
timbres d'une excessive rareté, dont, pour cette raison même, nous ne pourrions publier
les prix. Au reste, avec ceux de nos clients ou lecteurs qui voudraient s'en rendre possesseurs,
nous pourrions en traiter par correspondance, en leur assurant à l'avance, que
posés comme nous le sommes, sans rivaux sérieux dans l'important commerce que nous
avons pour ainsi dire créé, nous leur offrirons, comme par le passé, des avantages que
nul autre ne pourrait leur faire.

Nous donnerons dans notre feuille tous les renseignements qui nous paraîtront devoir
intéresser les collectionneurs et tout ce qui, directement ou indirectement, aura trait aux
timbres-poste. En un mot, notre journal sera la chronique de cette belle et intelligente collectiomanie;
chronique d'autant plus fidèle, qu'elle en suivra jour par jour les progrès
et que nous apporterons à la faire, bien plus l'ardeur et le zèle d'un collectionneur, que
les soins d'un éditeur ordinaire.

Chronique.

l5 février et 15 mars 1863.

Nous sommes quelque peu en retard dans notre compte rendu mensuel, et comme depuis le ler janvier
de cette année un assez grand nombre de pays ont apporté des modifications à leurs timbres, il
s'ensuit que nous avons à nous occuper des nouveautés parues depuis deux mois.

 

FRANCE.
Nous avons à signaler le nouveau type émis depuis le 1er janvier 1863. Effigie de l'empereur
couronné de lauriers, tournée vers la gauche. Rectangulaire, dentelé. La valeur en gros caractères
répétée dans les deux angles inférieurs. Il n'en a paru jusqu'ici qu'une valeur: le 2 centimes, brun.
Ce timbre, dont l'aspect général est le même que celui des anciens, est comme eux parfaitement
dessiné et gravé et ne laisse rien à désirer sous le rapport de la ressemblance et de l'exécution . Le
seul reproche, ou plutôt la seule observation que nous ayons entendu formuler, c'est quant à la couronne
que nous eussions préférée plus légère.
L'artiste a-t-il voulu, par une étroite allégorie, rappeler que si la couronne de France est la plus
belle du monde elle en est aussi la plus lourde ?
Alors il nous semble avoir parfaitement réussi.

A la même date a paru un chiffre-taxe de 15 centimes, impression noire, fond blanc carré, pareil au
10 centimes qu'il remplace.

13 avril 1863.
Pendant le mois qui vient de s'écouler, nous avons reçu quelques nouveaux timbres ou plutôt
quelques nouvelles valeurs, car il n'y en a guère que deux on trois qui soient de dessins nouveaux.
Nous allons les passer en revue rapidement...

Page 8 - Juillet 1863

FRANCE.
Il paraîtrait que l'administration des postes aurait l'intention d'émettre un timbre de 20 centimes.
Le modèle serait celui actuellement existant, seulement l'effigie serait remplacée par une vue microscopique
de Puebla, surmontée d'un aigle prenant son essor et tenant dans le bec une branche de laurier.
Au-dessous serait l'inscription : Puebla, 1863. On en émettrait pour une certaine somme,
après quoi l'on reviendrait à l'effigie du souverain.
Nous ignorons si le projet, pour autant qu'il existe, aura une suite. Dans tous les cas, ce serait la première
application de l'excellente mesure proposée par M. Desrives ( voir page 25 ) de perpétuer
au moyen des timbres les événements remarquables de l'histoire. Espérons que cela ne sera pas remis
aux calendes grecques comme les enveloppes promises depuis si longtemps.

Nons arrivons enfin à des nouvelles moins apocryphes.

Page 15 - octobre 1863

FRANCE.
Le 13 septembre 1863, a paru un 4 centimes lilas, semblable de dessin au nouveau type de 2 centimes.
La nuance ne nous paraît pas heureuse.

Page 19 - décembre 1863

NOTRE ENTÊTE.
Afin de donner à l'ensemble l'aspect le plus attrayant possible, nous avons fait orner le Journal
d'un litre charmant dû au crayon et au burin de deux de nos excellents artistes. Il représente l'état
passé et présent des postes, c'est-à-dire, d'une part, l'antique courrier, la vieille et lourde malle-poste ;
d'autre part, la locomotive à l'haleine enflammée, le vapeur aux bras infatigables.

Au milieu est le portrait du roi Louis XI, fondateur de la poste.

L'histoire nous a dépeint ce prince sous un triste jour, que l'on est presque tenu de se justifier de
lui faire une quasi-apothéose. Il est vrai que l'histoire peut avoir tort. Lorsqu'une société de gens
d'esprit se forme à Paris à seule fin de ravir à Jeanne d'Arc cette couronne que lui tresse depuis
400 ans la reconnaissance d'un peuple, lorsque, par contre, un écrivain de Bruxelles, dans une de
ses causeries du lundi, tente l'apologie de Néron qu'il dit avoir été indignement calomnié par Tacite
et Suétone, il nous est bien permis d'oublier un instant une grande partie des méfaits dont on a
chargé Louis XI, et de ne nous souvenir que de la belle institution dont nous lui sommes redevables.

Page 19 - Les Timbres-poste envisagés au point de vue artistique.
...
La France a des timbres d'une simplicité qui n'est pas dépourvue d'élégance. Ceux de la république
se distinguent par une sévérité de style vraiment républicaine ; il y a surtout le 20 centimes,
dont le fond noir fait singulièrement ressortir l'énergie des traits de la déesse.

Page 21 en 1863

- Un mot sur l'origine des timbres- poste.
(Texte repris ultériieurement à plusieurs reprises dans bien des revues françaises)

Nous avons, dans un autre opuscule, donné une notice sur l'origine des timbres, et nous nous proposions
de ne plus revenir sur ce sujet, lorsque des documents nouveaux, que nous devons en partie à
l'obligeance d'un de nos correspondants, nous sont parvenus et nous ont paru devoir jeter un nouveau
jour sur cette intéressante découverte.
Nous laissons parler notre correspondant.
Le timbre-poste qui, d'après M. Ed. Fournier, serait une invention récente, puisqu'il la fait remonter
au 23 mars 1823, époque à laquelle le Suédois G. Treffenberg proposa à l'État de noblesse de
son pays l'émission d'un papier-timbre destiné à servir d'enveloppe aux lettres (proposition qui fut,
comme de juste, rejetée à une forte majorité), le timbre-poste, disons-nous, semblerait être au contraire,
d'après l'instruction suivante, conservée dans les archives de la Bibliothèque impériale de
France et citée par M. d'Auriac, dans son Histoire anecdotique de l'industrie française, une création
du XVIIe siècle.

Nous y lisons ce qui suit relativement à un service de petite poste :

« 16 août 1653. — On fait à sçavoir à tous
» ceux qui voudront escrire d'un quartier de Paris
» en un autre, que leurs lettres, billets ou mémoires
» seront fidellement portés et diligemment rendus
» à leur adresse et qu'ils en auront promptement
» response, pourvu que lorsqu'ils escriront, ils
« mettent avec leurs lettres un billet qui portera:
» port payé, parce que l'on ne prendra point d'ar-
» gent; lequel billet sera attaché à ladite lettre, ou
» mis autour de la lettre, ou passé d'ans ou en telle
» autre manière qu'ils trouveront à propos, de telle
» sorte néanmoins que le commis le puisse voir et
« l'oster aisément....

» La date sera remplie du jour ou du mois qu'il
» sera envoyé.... Le commis général qui sera au
» palais vendra de ces billets de port payé à ceux
» qui en voudront avoir, pour le prix d'un sol marqué,
» et chacun est adverty d'en achepter pour sa
» nécessité le nombre qu'il lui plaira, afin que
» lorsqu'on voudra escrire, l'on ne manque pas
» pour si peu de chose à faire ses affaires. »

Cette instruction indique que l'acquisition des billets se faisait au palais, chez les tourières des
couvents, chez les portiers des collèges et communautés et chez les geôliers des prisons. Le prix de
chacun d'eux était fixé à un sou tapé, c'est-à-dire à un sou marqué à l'effigie royale, et

« les solliciteurs
» étoient advertis de donner quelque nombre
» de ces billets à leurs procureurs et clercs afin
» qu'ils les puissent informer à tous moments de
» l'estat de leurs affaires, et les pères à leurs
» enfants qui sont au collège ou en religion et les
» bourgeois à leurs artisans. »

L'instruction se termine ainsi :

« Les commis commenceront à aller et porter les
» lettres le 8 août 1653. On donne ce temps afin
« que chacun aye le loisir d'achepter des billets. »

Nous avons aussi le passage suivant de Pellisson, qui a trait à la même innovation :

« En 1653, un maître des requêtes, nommé De
» Vélayer, avait obtenu un privilège ou don du
« roy, pour pouvoir seul establir des boëstes dans
« divers quartiers de Paris, et avoit ensuite establi
» un bureau au palais, où l'on vendoit, pour un
» sou pièce, certains billets imprimez d'une marque
» qui lui estait particulière. Ces billets ne contenoient
» autre chose sinon: Port payé le...jour
» du mois de...l'an 1653 ou 1654. Pour s'en
» servir, il falloit remplir le blanc de la datte du
» jour et du mois auquel vous escriviez, et après
» cela, vous n'aviez qu'à entortiller ce billet autour
» de celui que vous escriviez à votre ami et les
» faire jeter ensemble dans la boëste. Il y avait des
» gens qui avoient ordre de l'ouvrir trois fois par
» jour, et de porter les billets où il s'adressoient.
« Outre le billet de port payé que l'on mettoit sur
» la lettre pour la faire partir, celuy qui escrivoit
« avoit soin, s'il voulait avoir response, d'envoyer
« un autre billet de port payé renfermé dans sa
» lettre. »
Pellisson ne dit pas si ce Vélayer fut l'inventeur de ce système d'affranchissement; nous ne
pouvons donc que constater la découverte sans être fixé sur celui à qui on la dut.
Des timbres de Vélayer vinrent sans doute les francos en blanc dont on fit si grand abus en Angleterre
depuis Charles II jusqu'en 1784. On vit alors des personnes en faire provision pour un an.
(Voir History of the house of commons de Ch.Thomson.)
Les courtisans de Louis XIV, qui suivaient ce prince aux armées, paraissent s'être servis du
même mode d'affranchissement , aussi ingénieux qu'économique. Des lettres de Pelisson à Mlle de
Scudéry, qui sont en la possession de M. Feuillet de Conches, portent des traces visibles d'une sorte
de timbre-poste.
On ignore quand et pourquoi les timbres créés en 1653 cessèrent d'exister, et l'on arrive jusque l'an
1823 sans qu'il en ait plus jamais été question.
C'est alors que M. Treffenberg en proposa l'adoption à la Suède ; nous avons vu plus haut comment
sa tentative fut frappée d'insuccès. Enfin nous arrivons à M. Rowland-Hill, actuellement secrétaire
de l'administration des postes en Angleterre, qui introduisit les timbres dans son pays, à la suite
de la circonstance que voici, rapportée par M. Alphonse Esquiros :
« Un voyageur traversait, il y a une trentaine d'années, un district au nord de l'Angleterre ; il
arriva devant la porte d'une auberge, où le facteur s'arrêtait lui-même pour remettre une lettre.
Une jeune fille en sortit pour la recevoir, la tourna et la retourna dans sa main, puis demanda quel était le
prix du port.
» C'était une grosse somme, car évidemment la jeune fille était pauvre et le facteur demandait un
shilling. Elle soupira profondément, dit que la lettre venait de son frère, mais qu'elle n'avait point d'argent
et en conséquence, elle remit la missive au facteur.
» Le voyageur était un homme qui courait le monde pour s'instruire et pour observer; comme il
avait bon coeur, il offrit de payer le port de la lettre, et en dépit de la résistance de la jeune fille,
acquitta les frais de poste. Cette résistance opiniâtre et dans un pareil cas lui avait pourtant donné à réfléchir.
A peine le facteur avait-il tourné le dos, que la jeune tavernière avoua que c'était un tour
d'adresse, convenu entre elle et son frère ; quelques signes hiéroglyphiques, marqués sur l'enveloppe, lui
apprenaient tout ce qu'elle avait besoin de savoir; mais la lettre elle-même ne contenait aucune écriture.

 

 

« Nous sommes si pauvres l'un et l'autre, ajouta-t-elle, que nous avons imaginé ce moyen de
» correspondre et d'affranchir les lettres. »

» Le voyageur, continuant son chemin, se demanda si un système fiscal donnant lieu à de si
misérables fraudes, n'était pas un système vicieux. Le soleil ne se coucha avant que M. Rowland
Hill (car c'était le nom du voyageur) n'eût rêvé organiser le service de la poste sur une nouvelle
base. Il s'était dit qu'en Angleterre, où les affaires de familles sont très-fortes, mais où les membres
vivent ordinairement fort dispersés, où l'esprit de commerce et d'entreprise ne connaît pas de bornes,
la correspondance n'était limitée que par l'énormité des frais de poste et qu'en abaissant cette
barrière, on rendrait un grand service à la société, sans nuire aux ressources du trésor.
» Ses vues furent agréées par le gouvernement anglais, et le 10 janvier 1840, les lettres ne payérent
plus que dix centimes pour circuler dans toute l'étendue des Iles Britanniques.
» Cette innovation hardie dépassa bientôt les espérances des législateurs; dix ans plus tard, en
1850, le nombre de lettres s'était accru de 1,500,000 à 7,239,962. »

De tout ce qui précède, il résulte que les premiers timbres datèrent réellement de 1653. Faut-il
conclure de là que MM. Treffenberg et Rowland-Hill n'aient été que les exécuteurs d'une idée
émise avant eux, ou, qu'ignorant l'existence de timbres antérieurement à leur époque, la même
idée ait germé à la fois dans l'esprit de chacun d'eux ?
Les deux hypothèses sont admissibles. Nous avons même une tendance à croire à la dernière.
En effet, les timbres de 1653 n'ont eu cours que pendant un certain temps et leur usage se restreignait
à la seule ville de Paris, car, si l'on en excepte les francos en blanc usités à la cour de
Charles II et à celle de Louis XIV, et qui n'étaient pas faits pour le public, l'on n'en a trouvé, jusqu'ici,
aucune trace ailleurs.

Il n'y aurait donc rien d'extraordinaire à ce que MM. Treffenberg et Rowland-Hill n'eussent pas
eu connaissance d'un fait d'administration locale qui s'est passé 180 ans avant eux, fait tellement
ignoré de notre époque, qu'il a fallu compulser des archives pour en constater l'existence presque
éphémère.

Quoi qu'il en soit, que MM. Treffenberg et Rowland-Hill aient ou n'aient pas connu les
timbres du XVIIe siècle, il n'en est pas moins vrai que c'est à leur initiative, à celle du dernier surtout,
que nous devons le système d'affranchissement dont nous apprécions tous les jours les facilités.
Tout en laissant aux contemporains de Louis XIV leur part d'honneur de l'avoir les premiers
imaginé, nous estimons que le monde entier doit savoir gré à l'Angleterre d'avoir réalisé ce que
d'autres avaient, avant elle, dédaigneusement déclaré irréalisable, et d'avoir su conduire à bien ce
que la France avait jadis si insouciamment laissé tomber en désuétude.

Page 25 - Les timbres-poste considérés au point de vue de l'histoire.

Les timbres ont, dans ces derniers temps, attiré l'attention des journaux, qui, tous, ne les ont pas
appréciés avec une égale bienveillance. A ce propos nous avions réuni en un article tous les arguments
qui plaidaient en faveur de cette « manie » comme disent ces feuilles, lorsque, en réponse à un article
du Sémaphore de Marseille, que l'on trouvera plus loin, un correspondant de Paris, qui s'est caché
sous le voile d'un pseudonyme, nous envoie l'article ci-dessous qui envisage les timbres sons un jour tout
nouveau et fait bonne justice des attaques qu'ils ont eu à subir.

Il est presque impossible que deux personnes ayant à traiter lu même sujet, relativement aussi restreint
que le nôtre, ne se rencontrent pas par-ci par-là.
C'est un peu ce qui nous est arrivé quant à l'article que nous avions préparé, lequel , en quelques
points, côtoie, pour ainsi dire, celui de notre correspondant. Mais ce dernier émet des considérations si
judicieuses et des idées si neuves, que nous lui accordons non-seulement et avec le plus grand plaisir
l'hospitalité, mais encore la priorité.

« Un journal du midi de la France s'est plaint dernièrement, peut-être avec raison, des importunités
auxquelles donne lieu la passion du timbre-poste.

» Cette passion nouvelle, qui se répand avec une fureur croissante, dégénère sans doute en timbromanie;
beaucoup de gens recherchent les timbres à divers titres : les uns par originalité, les autres par
goût; ceux-là par vanité, ceux-ci, et ce sont les plus nombreux, les recherchent pour faire comme
tout le monde; ajoutons ces négociants d'un nouveau genre, et enfin la gent collégienne qui, elle
aussi, fait une concurrence acharnée à tous les collectionneurs.

« Nous convenons que la persévérance, souvent indiscrète, de ces derniers est bien faite pour exaspérer
les gens les plus froids ; mais convenons aussi qu'il y a certain plaisir à trouver dans les trésors de
la réserve, de quoi enrichir les albums plus gracieusement présentés.

» Il ne faut pas croire, cependant, que tout se borne à former ces mosaïques qui provoquent les
dédains de la feuille en question : le timbre-poste, avant de porter la marque d'annulation, est une
sorte de papier-monnaie ayant une valeur représentative qui lui donne cours dans bien des circonstances
autres que celle de l'affranchissement. C'est à ce titre incontestable que les numismates l'ont
déclaré digne de figurer dans les collections.

» Si parmi ces carrés de papier il en est qui, par leur type, sont d'une insignifiance extrême, il en
est d'autres, au contraire, qui nous offrent des portraits frappants d'un grand nombre de souverains.
Ces portraits ont l'avantage énorme d'être plus exacts et plus agréables à la vue que ceux des
monnaies actuelles.

» La gravure des timbres-poste, généralement traitée avec art, est durable, tandis que celle des
monnaies s'efface promptement par l'usage. Le timbre-poste est en outre infiniment plus répandu
que la monnaie, qui exige des efforts, des soins et des frais qu'on ne saurait reprocher au timbre-
poste.

» Nous ne regrettons qu'une chose, c'est que les divers États n'adoptent pas pour leurs timbres-
poste, l'effigie du souverain concurremment avec ses armes ou celles du pays qu'il gouverne.

« Nous faisons encore des vœux pour que le timbre d'annulation soit disposé de manière à ne
pas détruire complètement le type, ainsi que cela a malheureusement lieu en Angleterre, en Belgique, etc.

» Les timbres d'enveloppes sont généralement d'une exécution parfaite, malheureusement c'est
encore de l'art perdu, car le relief disparaît par l'effet de la pression, s'il n'a déjà disparu par l'apposition
du timbre d'annulation.

« Que MM. les administrateurs du service des Postes veuillent bien lire ces quelques lignes et faire
étudier les questions qu'elles agitent, nous sommes convaincu qu'ils y trouveront l'occasion de satisfaire
bien du monde, tant au point de vue de l'art et de la science, qu'au point de vue de l'histoire.

« Il serait à désirer aussi que MM. les graveurs apportassent plus d'art dans la reproduction des
effigies, plus d'exactitude dans les traits des souverains; qu'il n'y eût pas, surtout, des portraits officiels
en contradiction flagrante avec les portraits vrais. Nous ne pensons pas que l'histoire puisse
gagner quelque chose à la galanterie exagérée de ces messieurs.

» Les anciens ont perpétué les faits glorieux de leur histoire au moyen de leurs monnaies.

» Ce sont les monnaies qui ont éclairé plusieurs points de l'histoire; elles ont agrandi son domaine
en conservant l'image la plus juste, la plus exacte des vêtements, des armes, des ustensiles, des costumes
des anciens ; elles nous ont conservé les traits des grands hommes de l'antiquité, ainsi que
la forme de plusieurs grands édifices que le fer, le feu et le temps ont détruits. Véritables pages de
l'histoire, elles servent de témoignage, de justification ou de démenti aux Tacite, aux Tite-Live, aux
Salluste. Elles constatent les dates des grands événements des peuples, elles nous font connaître l'origine
des villes, des provinces et des colonies romaines.

» Peut-il en être de même aujourd'hui? Hélas! non. Parce qu'aujourd'hui des intérêts plus grands
ne nous permettent pas de distraire la monnaie de son véritable but, et qu'il a fallu sacrifier à la commodité
tout ce que l'art et l'histoire confiaient à la monnaie antique.

» C'est par ces monnaies que nous connaissons, que nous possédons même, ces beaux types des
Nerva, des Trajan, des Antonin, etc. Nous doutons qu'on trouve jamais dans une postérité aussi
reculée une seule de nos monnaies de bronze.

» Il est vrai que des médailles spéciales relatent non-seulement les faits principaux, mais encore
bien des faits d'un intérêt secondaire que les anciens dédaignaient. C'est une compensation sans
doute, mais elle n'est pas satisfaisante, en ce sens que leur nombre est excessivement borné relativement
à la monnaie ; quelques cabinets seuls les possèdent, tandis que la monnaie se répand profusément.

» Or, puisque les monnaies ne peuvent plus aujourd'hui, comme au temps de Rome, servir à perpétuer
les faits de l'histoire des nations, pourquoi ne consacrerait-on pas le timbre-poste à cet usage ?

» Il y a en moyenne dans chaque État, six timbres-poste en service : le premier et le dernier porteraient
l'effigie du souverain ; le deuxième et l'avant-dernier porteraient les armes et aussi les couleurs
de l'État; les timbres intermédiaires seraient réservés aux faits principaux.

» Les quatre premiers subiraient les changements de dynastie ou de règne; les autres seraient
renouvelés plus souvent.

» Serait-ce un inconvénient ? Nous ne le pensons pas, puisque dans certains États, le renouvellement
se fait à peu près chaque année, afin de prévenir la fraude.

» Quant au dernier grief exposé par la même feuille, nous pensons qu'il n'est pas sérieux; nous
ne pensons pas davantage que le commerce des timbres-poste ait jamais eu un but illicite. Beaucoup
d'amateurs, nous le confessons nous-mêmes, ont en effet essayé de purger, en partie, le timbre, de certaines
griffes d'annulation qui le recouvrent affreusement; nous savons par expérience que ces essais,
poussés aussi loin que possible, n'ont donné aux amateurs que des résultats désastreux.

» Sans doute, l'administration a raison de se préoccuper d'une question qui semble menacer les
intérêts financiers; mais nous sommes convaincus que, loin de leur être nuisible, l'extension extraordinaire
de cette nouvelle branche de commerce, qui vient de surgir d'une manière si étrange, leur est infiniment
productive, puisqu'à côté de ces ballots de timbres-poste oblitérés, qui, à notre avis, ne s'expédient
à l'étranger que pour aller tapisser les appartements de quelques célébrités excentriques, il s'exporte
pour des sommes considérables de timbres neufs destinés à orner les milliers d'albums qui s'ouvrent
chaque jour dans toutes les parties du monde.
Paris, le 25 mars 1863.

E. De Rives de Seine.

 

Page 27 -

On lit dans le Sémaphore.

« Tout homme qui est dans les affaires ou qui est soupçonné d'avoir des correspondances n'importe
avec quelle contrée, mais surtout avec celles qui sont le plus éloignées, ne peut se présenter
aujourd'hui dans une maison sans y être accueilli par cette question : Avez-vous des timbres-poste ?
Les enfants et même de grandes personnes se livrent aujourd'hui avec une véritable furie à la collection
de ces petits carrés apposés sur les lettres pour l'exonération de la taxe, ces carrés, qui reproduisent
des têtes de souverains, des bonnets phrygiens, des animaux et une foule d'autres attributs
destinés à aller figurer dans un album où ils forment une assez étrange mosaïque. Les élèves de
nos pensionnats ne se bornent pas, dans notre ville, à réclamer des timbres à leurs parents ou amis de
la maison ; ces jeunes et fervents collectionneurs se rendent aux abords de la direction des postes et
adressent leur petite requête à nos négociants qui, on le sait, ont assez l'habitude d'ouvrir et de lire
leurs correspondances sur la voie publique.

« Cette manie de collectionner les timbres-poste est arrivée à un tel point qu'il en résulte un trafic
considérable, qui a dû éveiller, s'il faut en croire une feuille parisienne, l'attention de l'administration
des postes. On a appris, par exemple, que les timbres français ayant déjà servi étaient envoyés
par ballots en Allemagne et surtout en Angleterre, et l'on s'est demandé si c'étaient bien des collectionneurs
de timbres-poste qui absorbaient en si grande quantité ces estampilles sans valeur, et s'il
n'y avait pas derrière ces timbromanies quelque industrie illicite. Enfin, si ces mêmes timbres maculés
d'encre et marqués de la griffe de l'administration des postes n'étaient pas l'objet d'un trafic
coupable, et si, soumis par exemple à un lavage quelconque, ils n'étaient pas remis en circulation.
Une commission a été, dit-on, nommée par le directeur général des postes, pour examiner cette question
et aviser aux moyens de prévenir les fraudes qui pourraient résulter de l'emploi réitéré des
mêmes timbres-poste.

» On assure qu'un amateur de ces sortes de collections, blessé par ce soupçon, a donné des explications
les plus satisfaisantes sur les timbres-poste envoyés en Angleterre. D'après lui, le but des collectionneurs
serait non-seulement irrépréhensible, mais encore louable et même admirable, car le produit
de la vente de ces timbres-poste est destiné à racheter un malheureux esclave, qui jouit ainsi, par
la grâce du timbre-poste et des collectionneurs, des bienfaits de la liberté.

» Avis aux négrophiles. »

 

Page 27 -

DE LA TIMBROMANIE, SON ORIGINE ET SON DÉVELOPPEMENT.

I

De tous temps il s'est trouvé des esprits observateurs qui se sont plus à réunir des objets divers,
auxquels les sciences, les arts ou les traditions attachaient quelque prix. De là viennent les galeries
de tableaux, les cabinets de physique, les bibliothèques, etc., où l'on peut, presque d'un coup d'oeil,
se rendre compte des progrès des sciences et des arts, et en étudier avec fruit la marche progressive
et l'état dans tel ou dans tel siècle passé. Au-dessous de ces collections par excellence, viennent se ranger
celles d'une valeur intrinsèque moindre, quoique d'un intérêt souvent plus grand. Tels sont en général
les collections d'antiquités et d'objets historiques.
Le respect du passé en fait toute la valeur ; et, l'imagination aidant, en voyant, en touchant des objets
qui ont appartenu à des personnages célèbres dans l'histoire, on croit revoir ces personnages eux-mêmes.
De même qu'en contemplant des ruines, on évoque le peuple auquel elles ont survécu, de même,
par exemple, la Bible de Marie Stuart, la canne de Voltaire et la fameuse table sur laquelle fut signée
l'abdication de Fontainebleau nous rappellent : et la reine malheureuse, et le poète sarcastique et le
vainqueur d'Austerlitz.

Enfin, en dernier lieu, et tout au bas de l'échelle, nous trouvons ces niaises réunions de bibelots de
toutes espèces, de tabatières, etc., voire même de boutons de guêtres, qui ne doivent leur existence
qu'à la monomanie d'un désœuvré quelconque dont l'intelligence est presque toujours en raison inverse
de la fortune.
Sans élever des prétentions assez hautes que pour assimiler en rien le genre de collection dont nous
nous occupons spécialement, à celles dont nous avons parlé en premier lieu, nous ne craignons pas
de dire que, si modeste, si innocente que puisse paraître une réunion de timbres-poste, elle est
digne d'être classée bien au-dessus des objets de la dernière catégorie, qu'elle dépasse de toute la distance
qui sépare l'utile de l'inutile, l'œuvre de l'esprit, enfin, de celle de l'ineptie.

Mais avant que d'arriver au cœur même de notre sujet « les timbres-poste » on nous permettra de
jeter un coup d'œil rétrospectif sur l'époque qui a précédé la création des timbres et par conséquent
des collections.

II

Parmi les découvertes dont peut se glorifier le XIXème siècle, et qui lui assureront à jamais la supériorité
sur ses devanciers et le respect des siècles futurs, il faut citer en première ligne celle de la
vapeur, ou, tout au moins, l'application à l'industrie et surtout aux chemins de for et à la navigation,
de cette puissante force motrice. Avec elle les distances sont rapprochées et n'existent plus, des contrées
ayant jadis à peine connaissance les unes des autres sont mises en rapport; les deux mondes, que
sépare l'infini de l'Océan, sont maintenant porte à porte et nous sont plus familiers, que ne l'était à nos
pères l'extrémité de leur province. Ces facilités de communications ont produit un mouvement commercial
sans précédent dans l'histoire du monde, et auprès duquel le commerce de Tyr, de Carthage
et de Venise la grande ne sont que jeux d'enfants.

Mais ce serait peu que les forces de la vapeur servissent seulement à la satisfaction de nos intérêts
matériels; une mission bien autrement noble et grande leur est dévolue : celle d'être le véhicule de
la pensée. Qu'est-ce qui nous rapproche de nos parents éloignés et nous parle d'eux ? Qu'est-ce qui
parle de la patrie à l'exilé transporté dans une autre hémisphère, ou simplement banni du sol natal, au
soldat combattant et s' acclimatant sous la zone torride, au voyageur que le négoce envoie aux antipodes ;
qu'est-ce enfin qui, tous tant que nous sommes, nous fait causer quelques instants avec ceux qui
nous sont chers, à quelque titre que ce soit, lorsque le hasard ou le malheur nous en a séparés ? C'est la
lettre. C'est elle, frêle missive à laquelle nous avons confié nos joies, nos peines ou nos vœux, qui s'en
va dans tous les recoins des continents, à travers les détroits et les isthmes, porter discrètement une
partie de nous-mêmes : nos idées.

Si donc la correspondance est si éminemment moralisatrice, il faut accueillir avec bonheur tout ce
qui tend à la développer, la vulgariser et la rendre facile et peu coûteuse à la classe la moins aisée,
c'est-à-dire, dans tous les pays, à la masse. Or, après la vapeur, ce qui a multiplié en quelques années,
dans une si étonnante proportion, les lettres et correspondances de toutes sortes, c'est assurément
et sans contredit le timbre-poste.

Que nos lecteurs veuillent bien se transporter avec nous à quelques années en arrière, ils seront
étonnés de cette foule d'obstacles qui se posaient devant la mise en circulation d'une simple lettre : des
tarifs élevés, presque toujours peu connus du public, dans les grands centres, des pertes de temps incroyables
pour l'affranchissement des lettres, des lenteurs sans pareilles dans la transmission des dépêches,
des difficultés de correspondre avec telle ou telle contrée, enfin, pour l'administration, une comptabilité
triple pour un chiffre d'affaires infiniment moindre : voilà, il n'y a pas encore bien longtemps,
quels ennuis nous valait à tous, administrateurs et administrés, l'ancienne organisation.

Telle était, disons-nous, la situation, lorsque M. Rowland-Hill inventa le timbre-poste, dans les
circonstances que nous avons déjà rapportées (voir ci-dessus). Nous disons « inventa » c'est peut-
être à tort, puisqu'il paraît prouvé que bien avant M. Rowland on eut un mode d'affranchissement analogue,
mais rien ne prouve, cependant, qu'il connût Velayer et Treffenberg. L'histoire est d'ailleurs
pleine de ces découvertes qui eurent plusieurs auteurs, et, si l'on veut bien nous permettre de lui
emprunter deux exemples, plus célèbres, il est vrai, nous rappellerons que les Chinois imprimaient bien
avant nous. La célébrité de Gutenberg lui en est-elle moins justement acquise ? Nous ne le croyons pas.
D'autres que Colomb ne crurent-ils pas à l'existence d'une terre au-delà de l'Atlantique ? C'est
possible, c'est même probable. Mais le premier il ne se borna pas à rêver ; il agit, et nous dota d'un
monde. A nos yeux, ceux-là seuls sont des hommes de génie qui savent, à travers mille obstacles, exécuter
ce qu'ils ont conçu, ceux-là seuls, enfin, sont des inventeurs véritables.

Nous ne nous appesentirons pas sur les bienfaits qui sont résultés de la mise en usage des timbres-
poste; ils sont patents et hors de toute discussion : tous ceux qui écrivent en apprécient la valeur ;
nous nous bornerons ici à examiner les timbres au point de vue des collectionneurs.

III

C'est en Belgique que germa l'idée de collectionner des timbres. Nous osons même dire que des
premiers à Bruxelles nous devinâmes que le timbre-poste n'était pas qu'un chiffon, uniquement destiné
à être maculé par la griffe postale, et nous pressentîmes la curiosité qui s'attacherait un jour à ces petits
carrés de papier multicolores, alors à peine honorés d'un regard dédaigneux ou distrait; aujourd'hui,
quelle que soit leur valeur, recherchés avec fureur et conservés religieusement dans d'innombrables
albums. C'est même à cette foi prématurée que nous avons eue dans l'avenir des timbres-poste
comme objets de curiosité, que nous sommes redevables de posséder une des plus brillantes collections
qui existent. Pendant près de douze ans, alors que personne n'y songeait, nous avons amassé une à
une, au prix souvent des plus grands sacrifices, ces petites effigies, et alors pourtant nous n'avions encore
d'autre mobile que la passion du collectionneur, nous n'étions encore mû que par « l'amour
de l'art, » si l'on veut bien nous pardonner une expression, exagérée, sans doute, mais qui rend bien
notre pensée; en un mot, le commerce n'existait pas et nous n'étions pas encore marchand. Il nous
en souvient encore. Amateur fervent, nous allions de temps en temps nous extasier devant les 100 ou
150 timbres qui paradaient dans l'établissement de M. Vandermaelen, ce vaste caravansérail de toutes
les curiosités du globe; et ni les oiseaux empaillés, ni le cabinet de physique, ni la gigantesque mappemonde
ne captivaient noire attention : nous n'avions d'yeux que pour les timbres, objets de nos
désirs les plus vifs et contre lesquels nous eussions troqué volontiers toutes les curiosités de la terre,
voire même le clou où Napoléon accrocha, dit-on, son épée la veille de Waterloo et que les habitants
du lieu vendent tous les jours aux Anglais. — C'était alors l'enfance de la timbromanie : elle ne comptait
encore que quelques adeptes; depuis lors, elle s'est faite grande, et a pris une extension dont peuvent
difficilement se rendre compte les personnes qui n'ont pas, comme nous, les moyens d'en suivre la marche
envahissante. De Belgique, le goût s'en est répandu en France, puis en Angleterre, puis en Allemagne,
puis, enfin, il a franchi l'Atlantique, et à cette heure, les timbres se prélassent aux États-Unis,
sans que les Confédérés paraissent en vouloir arrêter les progrès. Pour ce qui regarde l'Europe, les
timbres ont eu tous les genres de succès, même celui de la critique. Oui, vraiment ! ces pauvres timbres
ont été non-seulement critiqués, mais encore calomniés. On ne les accusait de rien moins que de
développer chez la jeunesse le goût de l'intérêt et du luxe, de la détourner de ses études, et quant aux
grandes personnes, d'absorber leur esprit au détriment de leurs occupations plus sérieuses, d'exciter
les citoyens à la haine et au mépris... non, pas de ceci, c'est déjà bien assez de griefs comme cela. Ne
vous semble-t-il pas, chers lecteurs, entendre un réquisitoire?
Il ne manque que des considérants et un arrêt, et voilà les timbres condamnés en bonne et
due forme. — Étaient-ils donc si coupables, ces timbres, que pour s'attirer de telles accusations ?
Nous ne le pensons pas, et nous allons tâcher de présenter ici leur défense, en demandant pardon
aux collectionneurs de la présenter si mal.

IV

Les premiers qui se passionnèrent pour les timbres, quand ceux-ci commencèrent à sortir de leur
obscurité, ce furent les enfants, les écoliers, les collégiens, et en cela il n'y avait rien que de rationnel
et de conforme aux lois de la nature. L'enfance, qui ne juge que par les yeux, qui ne procède pas encore
par la froide raison , mais aimant d'instinct tout ce qui est brillant, vif et jeune comme elle,
pouvait-elle ne pas s'éprendre d'amitié pour ces petits carrés de papier, rouges, verts et bleus, qui,
réunis et pittoresquement disposés, forment un ensemble bien autrement attrayant à ses yeux que la
plus précieuse collection de médailles romaines ?
Assurément non. La véritable sagesse consisterait donc à faire tourner au profit des études et de l'intelligence,
ce que l'on ne prenait jusqu'ici que pour un plaisir frivole; et nous croyons que ce résultat
est déjà presque obtenu. Ici nous nous adressons spécialement à ceux de nos lecteurs qui , depuis
plus ou moins longtemps, ont quitté les bancs de l'école, et que nous supposons plus à même de juger
sainement les choses.

Après les mathématiques, une des sciences dont l'étude est la plus aride, c'est sans contredit la géographie,
au moins d'après les méthodes que suivent beaucoup de professeurs. Pour l'élève, ce n'est
qu'une longue nomenclature de caps et de golfes, de mers de toutes couleurs , un dédale de fleuves , un
labyrinthe d'îles; il n'entend que des noms barbares, qui ne lui disent rien, ne lui apprennent rien;
bref, l'écolier qui sort des classes sait généralement que l'Amérique est à l'Ouest de l'Europe, et que la
Belgique est divisée en neuf provinces; mais quant à la géographie vraie, c'est-à-dire à la subdivision
des continents en royaumes, à la situation de ceux-ci, leurs formes de gouvernement , leurs dynasties,
leur commerce et leurs monnaies, ne lui en demandez pas un mot : cela n'était pas dans le programme.
Eh bien, dussent les doctes professeurs s'en fâcher, ce que leur science et leur routine n'ont pu faire,
les modestes timbres-poste l'ont fait, et de plus, ils ont amusé leurs élèves, ce qui n'était jamais arrivé
à MM. les professeurs. Quinze jours passés à manier ces brimborions de toutes nuances donnent
plus de connaissances qu'on n'en acquière souvent en des années de collège, car, pour le peu qu'on
s'en occupe, il faut nécessairement apprendre la position géographique de leurs pays respectifs ;
l'effigie ou la vignette vous apprend, la plupart du temps, la forme de gouvernement qui les régit , et
enfin, et ceci doit surtout fixer l'attention des personnes sérieuses, un collectionneur doit de toute
nécessité connaître les diverses monnaies ayant cours dans le inonde : Dollars, Livres, Kopecks,
Kreutzers, etc., etc., et leur rapport avec le Franc, notre unité de monnaie.

Quant au reproche adressé à cette collectiomanie d'exciter chez la jeunesse l'amour du gain, il n'est
guère plus fondé que le premier. Nous l'avons trouvé formulé entre- autre, et d'une façon assez spirituelle
du reste, dans une publication parisienne « le Journal Amusant » qui a bien voulu consacrer aux timbres
deux pages de croquis. Merci au Journal Amusant.
Cette accusation a été lancée en vue de cette petite bourse aux timbres qui se tient à Paris au
Jardin des Tuileries ou au Luxembourg ; mais nous croyons qu'elle est imméritée et que l'on s'est beaucoup
exagéré la portée de cette bourse dont les opérations se réduisent, en fin de compte, à un simple
commerce d'échanges auquel l'envie du gain est bien étrangère , et dans lequel les négociants en herbe
n'apportent que la passion bien innocente du collectionneur.

Après s'être emparés en quelque temps de l'attention de la jeunesse, les timbres ne se sont pas arrêtés
en si beau chemin et se sont attiré aussi les regards plus sagaces de l'âge mûr, qui, s'il est moins prompt
à s'enflammer, comprend mieux aussi que le jeune âge, et par le secours de sa raison et de son expérience
développe, met à profit, fait produire des résultats imprévus à telle fantaisie de la jeunesse ,
à laquelle celle-ci n'attachait d'abord d'autre importance que celle d'un plaisir passager. Les collections
de timbres ont maintenant l'assentiment d'une foule de personnes sérieuses : négociants, savants,
magistrats, etc., qui ont été frappés, comme beaucoup, de l'attrait que présente cette foule de vignettes
coloriées et blasonnées dont l'intérêt est destiné à s'accroître encore avec le temps , et de
l'immense ressource que seront ces collections, pour les historiens et les écrivains qui, dans un siècle ou
deux, feront l'histoire de notre temps, au triple point de vue de la politique , de l'industrie et du
commerce. Pour bien apprécier les services que, nous n'en doutons pas, elles sont destinées à rendre
plus tard comme documents historiques, il faudrait supposer un instant que nous en eussions déjà depuis
ces trois derniers siècles, par exemple. Que de renseignements utiles sur les rapports commerciaux
des nations et leur industrie, nous posséderions et qui nous font presque complètement défaut sur les
temps antérieurs au nôtre. Mais plus heureux que nos pères, nous avons à notre disposition , pour
transmettre à nos descendants l'histoire contemporaine, des moyens qu'ils n'avaient pas : c'est à nous
d'en user. Au reste, maintenant la voie est tracée et suivie par des milliers de collectionneurs qui travaillent,
beaucoup sans s'en douter, pour la postérité.

Aussi ne craignons-nous pas d'avouer que nous sommes heureux d'avoir, dans la limite de nos
petits moyens, contribué quelque peu à activer le mouvement de la timbromanie; et que si elle est devenue
à la fois un objet d'étude et de commerce si universellement répandu , nous sommes pour quelque
chose dans ce résultat. Et qui sait ? peut-être les érudits et les historiens de l'avenir sauront-ils
gré à la génération actuelle de leur avoir conservé d'aussi précieuses archives.

Page 31 -

MÉMOIRES D'UN TIMBRE-POSTE DE LA NOUVELLE-ECOSSE. par Léon Chandelier. 
Page 31 - 
Hambourg et ses offices particuliers.

Page 33 -

Quelques observations sur le service des postes en Belgique. 

Page 34 -

Les timbres et la direction des postes de France. 

Il paraît que l'administration des postes de France a pris au sérieux l'histoire des ballots de timbres
oblitérés partant pour l'étranger, à l'effet d'y être soumis à un lavage et pouvoir être remis en circulation.
Nous avions peine à y croire, mais d'après les avis qui nous viennent de différentes villes de
France, le fait est certain , et la défiance et la crainte du trésor se sont déjà manifestées par plus
d'une vexation administrative et bureaucratique.
Interdire simplement l'exportation des timbres, ce n'est que de la naïveté, car il est mille et une manières
d'exporter les timbres en les dissimulant fort bien; voici la vexation : — MM. les employés de
l'administration des postes, oubliant la maxime de feu M. de Talleyrand « et surtout pas de zèle » ont
renchéri sur les ordres de leurs chefs et ont fait main basse sur des collections entières renfermant
peut-être vingt timbres français contre mille à douze cents timbres de tous pays — enfin, ces messieurs
ont fait du zèle. Hâtons-nous d'ajouter que les collections ont été restituées à leurs propriétaires,
que des excuses ont été faites à ceux-ci et que le directeur général a fortement blâmé les employés
d'avoir si mal interprété ses intentions.
Quant à ce prétendu lavage que l'on ferait subir aux timbres, nous ne dirons pas qu'il n'existe pas,
mais nous affirmons qu'il est de la plus entière inefficacité.

Le timbre lavé et complètement débarrassé de la griffe d'annulation est une chimère. Il n'est pas de
collectionneur peut-être qui n'ait tenté l'essai, non pas dans un but illicite, mais simplement pour
ajouter à la beauté d'un exemplaire, et jamais l'on n'est parvenu à enlever l'encre qu'au détriment du
papier et de la couleur. Les expériences nombreuses auxquelles nous nous sommes livré nous-mêmes,
ont toujours été des plus négatives dans leurs résultats, et nous sommes persuadé que tous les chimistes
du monde, M. Orfila en tête, y perdraient leur latin et leur science. Au reste, ce que nous disons
ici n'est pas neuf; nous ne faisons que revenir, puisque l'occasion s'en présente, sur les observations
si justes et si bien dites de M. Desrives (voir ci-dessus). Concluons : le lavage des timbres
est une impossibilité.

Alors, si les administrations de tous pays entendaient leurs véritables intérêts, et loin de tracasser
ainsi de toutes façons un commerce si nouveau et déjà si important, elles lui donnaient, au contraire,
toutes les facilités désirables, elles n'auraient, croyons-nous, qu'à s'en féliciter en voyant leurs
recettes s'augmenter de jour en jour. Il y a plus, quand bien même les gouvernements n'auraient pas
déjà les bénéfices de la vente des timbres destinés aux collections, ils n'en devraient pas moins favoriser
de tout leur pouvoir une nouveauté, une mode, si l'on veut, qui nécessite une correspondance
énorme et répond si bien à l'un des grands principes de l'économie politique moderne : la circulation
de l'argent.

Un mot pour finir. Qui donc le premier a parlé de ballots, à propos des timbres exportés de France ?
Nous n'en savons rien ; mais nous avons tout lieu de croire que c'est un profane par rapport à la timbromanie.
Tous les journaux, depuis quelque temps, les jours où il y a disette de nouvelles, où deux télégrammes
ne leur apportent pas à la fois la nouvelle de cinq mille Russes battus par deux cents Polonais
et réciproquement de deux cents Polonais égorgés par cinq mille Russes, où la politique
chôme, où enfin, pas le moindre serpent de mer n'apparait à l'horizon ; ces jours-là, disons-nous,
les journaux daignent s'occuper des timbres-poste et parler des ballots susdits, avec cet aplomb qu'ils
apportent à traiter indifféremment toutes les questions, depuis les affaires de Pologne jusqu'aux étoiles
filantes.

S'est-on quelquefois demandé ce que c'était qu'un ballot ? En terme d'emballeur, l'idée la plus commune
qu'on se fasse d'un ballot, est celle d'un colis d'une taille déjà respectable, d'un poids idem ;
un colis tenant le milieu entre un paquet et une balle de colon, en se rapprochant toutefois beaucoup
plus de cette dernière. Or, quand on saura que 100,000 timbres occupent la place d'un volume
grand in-octavo, on arrive à un chiffre effrayant, impossible pour un seul ballot. Qu'est-ce
donc lorsqu'il s'agit de ballots ? Nous comprenons que le patriotisme français se soit effrayé à
l'idée de voir l'Europe transformée en un vaste atelier de faux timbres et ceux-ci inonder la France,
comme jadis les faux assignats confectionnés en Angleterre. Bref, peu s'en est fallu qu'on ne vit
l'avenir financier de la France compromis. Que de craintes vaines l'on se serait épargnées si l'on avait
davantage raisonné la question, et si l'on s'était dit que, en admettant qu'il soit sorti de France des ballots
de timbres oblitérés, on n'en a pas encore signalé un seul à l'entrée, et qu'entrassent-ils même
en France, ces timbres remis à neuf, il faudrait, comme pour toute marchandise, en chercher un débit,
qui serait d'autant plus difficile que l'on ne pourrait bazarder ni publications ni annonces quelconques.
D'un autre côté, l'aspect nécessairement fripé de cette foule de timbres détachés, car ils seraient
détachés, à moins que le chimiste en question n'ait trouvé le moyen de les réunir de nouveau,
leur aspect, disons-nous, éveillerait tout d'abord la défiance et ferait soupçonner leur coupable origine.
Mais supposons toutes ces difficultés aplanies, et ces timbres ayant la même fraîcheur que leurs frères, il
arrivera de deux choses l'une : ou le public ignorera la falsification, et alors quelle raison aura-t-il
de ne pas se fournir à la poste? Ce ne serait pas l'intérêt, car, sous peine de donner l'éveil, on n'oserait
les vendre avec un rabais de quelque, importance.
Ou bien le public connaîtra le faux, mais s'il en garde le secret, il n'ira pas jusqu'à s'en rendre complice,
dans la crainte des pénalités rigoureuses aux-quelles il serait exposé, et continuera également
d'acheter ses timbres à la poste. Et voilà le chimiste faux-monnayeur ayant sur les bras quelques
millions de timbres-poste.

Telles sont les réflexions que nous avons faites à la lecture des lettres dont nous parlions plus haut.
Nous avons démontré que le lavage et la vente des timbres lavés sont tous deux impossibles ; disons en
finissant que nous ne croyons pas à l'exportation, sur une si grande échelle, des timbres maculés, et cela
pour deux raisons : la première, nous venons de la traiter, et la seconde, c'est qu'aujourd'hui, au moins
la moitié des collectionneurs n'admettent dans leurs albums que des timbres neufs, et si répandue que
soit la timbromanie, elle est, pensons-nous, loin de compter dans le monde entier cent mille sectateurs;
or, les millions de timbres des ballots incriminés surpasseraient de beaucoup la demande et ne tarderaient
pas à encombrer le marché. Espérons que ces quelques raisons convaincront l'administration et
l'engageront à se relâcher de sa première rigueur.
Pour nous, qui plaidons avant tout une question de principe : celle de la liberté de correspondance, nous
nous plaisons à croire que M. le directeur général reconnaîtra la justesse de nos observations et saura
concilier les devoirs de sa haute position avec les intérêts et les convenances du public.

Page 36 - La grande presse et les timbres-poste.

(page 39 extrait...)

 

 

Nous avons rectifié les assertions erronées contenues dans l'article de la France; cela nous était
facile comme à tout le monde, car, lors bien même que nous ne serions pas initié dans la partie, cent
albums, catalogues et manuels sont là qui donnent les détails les plus précis sur les timbres, leurs valeurs,
formes et nuances ; et si l'auteur des « détails qui intéressent les collectionneurs » s'était
donné la peine d'ouvrir une seule de ces publications, il aurait pu, à peu de frais, se donner un
vernis de compétence dans la matière, et ne sachant dire du neuf, il aurait dit au moins du vrai.

Mais il est d'autres de ses allégations que nous tenons plus encore à réfuter. Celles qui traitent,
non pas une question technique, si l'on peut s'exprimer ainsi, de la timbromanie, mais le mérite
artistique des timbres de Belgique et de France.

Certes, il est permis de n'avoir pas une connaissance parfaite et approfondie des timbres, ainsi que
les marchands ou les collectionneurs; c'est là une question de mémoire et surtout de pratique ; mais
ce qui est moins permis, ou plutôt ce qui est moins pardonnable à celui qui étale son opinion dans un
grand journal, c'est d'émettre sur le mérite et la beauté des timbres un jugement aussi léger, aussi
partial que celui prononcé plus haut sur les timbres belges et français.

La susceptibilité nationale ne permettait pas que les timbres de France ne fussent pas les plus beaux,
et pendant que l'écrivain en question en était à adjuger la palme de la gravure à son pays, il aurait
pu, ce nous semble, revendiquer également pour lui, celle des nuances des timbres et même de la qualité
du papier; comme le dit le poète :

Quand on prend du galon on n'en trop prendre.

...nous nous bornerons pour cette fois à discuter l'appréciation de nos timbres par le journal
la France.
Dans le premier numéro de notre feuille, celui de février, nous disions, à propos du timbre français :
« La France à des timbres d'une simplicité qui n'est pas dépourvue d'élégance... » Encore aujourd'hui,
après les avoir scrupuleusement examinés, nous ne pourrions formuler notre opinion différemment.
Le timbre français a pour lui la simplicité : c'est une qualité, certainement, mais on conviendra
que c'est une qualité négative. Il a aussi pour lui la correction du dessin, mais c'est du dessin
académique, froid et grec comme le filet qui l'entoure. Du reste, inutile de chercher dans cette effigie
de l'empereur Napoléon une expression quelconque : les lignes principales n'y sont que crayonnées :
c'est moins un portrait qu'une silhouette.

Les timbres grecs, qu'il faut considérer comme français, puisqu'ils sont également dessinés par
M. Barre, ont avec le timbre français un air de famille qui se voit tout d'abord. Mêmes froideur et
correction de dessin, même absence d'originalité.
Au reste, ici l'expression était inutile; quelle expression donner à une banale tête de mercure, qui
ornerait avec autant et plus de succès la première étiquette venue ?

Si après avoir apprécié, sans prévention ni parti pris aucuns,
les deux types que la France appelle complaisamment « les plus
beaux timbres du monde » nous reportons nos regards sur « les
plus laids » qui ne sont ni ceux de Moldavie, ni ceux de la Nouvelle-Calédonie (colonie
française soit dit en passant) comme les collectionneurs seraient tentés de le croire, mais
bien ceux de Belgique; que pour la centième fois nous y admirons cette finesse de gravure,
qui rend jusqu'au plus imperceptible détail, jusqu'au moindre reflet; cette effigie, qui n'est plus
une silhouette, mais un portrait , mais le Roi lui-même, avec sa physionomie austère et son front intelligent
entre tous, pour toute réponse au journal la France nous ne formons qu'un seul vœu : c'est
celui de voir les timbres de nos voisins reproduire, avant peu aussi admirablement, les traits du souverain
français...

Page 39 -

Mesurés d'hygiène recommandées aux collectionneurs. 

Page 40 -

MONSIEUR WILLIAM MULREADY
Page 41 -
Le Correo oficial d'Espagne.
Page 42 - 
Les timbres-poste américains, par James Lesley,Vice-consul des États-Unis.
Page 43 - 
Détails historiques sur la maison de Tour et Taxis 

ET SUR LA POSTE DE CE NOM. 
Page 46 - 
L'administration des postes de Belgique. 

Page 49 -

LA BOURSE AUX TIMBRES A PARIS. 

Si vous voulez vous donner le spectacle d'une bourse plus aimable que celle où vont s'improviser
tant d'étranges fortunes, d'une bourse sans corbeille d'agents de change, sans courtiers, sans coulissiers,
d'une bourse en plein air où l'argent ne joue aucun rôle, il faut aller à Paris, vers trois heures, aux
Champs-Elysées.

Ici nous demandons pardon à notre correspondant, mais nous sommes forcés d'apporter une légère
restriction à son dire. Dans l'origine, il est vrai, lorsque les écoliers seuls s'occupaient de la
timbromanie, ils procédaient par voie d'échanges et très-rarement l'argent entrait-il dans leurs négociations
enfantines. Mais du jour où la timbromanie a eu des adeptes plus sérieux, saisissant mieux
le côté utile et instructif de ces collections, plus disposés et surtout plus à même de consacrer telle ou
telle somme à l'acquisition d'un type rare , dès ce jour-là le commerce des timbres a perdu ses allures
toutes primitives et comme dans tous les commerces possibles, l'argent y a joué le principal ou plutôt le
seul rôle.

Il semblera, peut-être, que nous soyons en contradiction avec ce que nous avons dit du trafic des
timbres par les collégiens, dans un précédent numéro. Il n'en est rien pourtant. Pour eux, comme
pour les collectionneurs de premier ordre, l'agent principal de l'échange c'est l'argent; seulement chez
l'amateur l'argent n'est jamais que le moyen : jamais le but. Ces réserves posées, nous continuons
la parole à notre correspondant.)

Les Champs-Elysées sont devenus le marché européen des vieux timbres-poste , cette passion des
petits et grands enfants subitement piqués de la tarentule de la collection. Avoir la collection des timbres-poste
connus dans les cinq parties du monde,

c'est le rêve de tout collégien. — Chacun arrive avec sa provision récollée à grand'peine et les échanges
commencent. — Qui veut des Autrichiens pour des Russes ? des Suédois pour des Prussiens ? des
Anglais pour des Suisses ? — Six timbres de France pour un de Hambourg , quatre timbres de Belgique
pour un seul de Hanovre ! — Et toutes les mains s'avancent et chacun donnant ce qu'il a, reçoit en
échange ce qui lui manquait. — Là, comme sur le marché commercial, il y a les valeurs offertes et les
valeurs demandées. — Le timbre français est déprécié, le timbre anglais est lourd, le timbre suisse
ne s'enlève qu'avec la plus grande difficulté; mais le Hong-Kong est ferme et le Costa-Rica très recherché.
On se dispute les timbres-poste des colonies, et un timbre du Chili, mis à la folle enchère, a été
adjugé à un jeune financier qui poursuit avec une noble ardeur le couronnement de l'édifice.
Heureux boursiers ceux-là ! candides millionnaires ! dont le sommeil n'est jamais troublé par le
bourdonnement de la marée montante ou descendante.