Le Postillon

N°1 à 567

Directeur :

Alfred Montader

1855-1929*
Artiste-peintre

* voir article dans Philatélia de Georges Brunel.

Hebdomadaire jusqu'en 1908, puis bi-mensuel et mensuel après la guerre.

De 1901 - 1925

1901 1902 1903 1904 1905 1906 1907
1908 1909 1910 1911 1912 1913 1914
1915 1916 1917 1918 1919 1920 1921
1922 1923 1924 1925

 

Pierre Marie Alfred Montader, née à Clermont-Ferrand en 1855, décédé en 1929

 

Artiste peintre, il réalise les illustrations de nombreux livres dont :

-          Le Babylone électrique en 1888

-          L’auvergne, par Ajalbert en 1896 

-          La conquête de l'air, par A. Brown en 1898 

     
   
   

Des peintures également :

 

Des dessins :

 

Et même des timbres :

La série de 1915-16 de la Côte des Somalis.

 

La série de 1922-23 de la Sarre.

Mais aussi un timbre d'Algérie, la Mosquée Sidi Abderahmane.

 

Sous sa plume plutôt caustique, tout le monde en prenait pour son grade.

Un peu misogyne*, ses écrits resteront amusants* en bien des points.

Il est surprenant d’apprendre que son intérêt pour la philatélie date de la création de sa revue, qu’il éditera seul.

La revue est consacrée à l’analyse et le décryptage des écrits des journaux concurrents, des affaires de falsifications, ainsi que de quelques sujets constants, notamment ceux de M. Langlois sur les oblitérations françaises, Petits Chiffres, Gros Chiffres, Convoyeurs-stations et Convoyeurs-lignes.

25 ans de diffusion, même si la guerre a rendu l’édition plutôt légère, M. Montader fait donc partie des références littéraires en terme de revues philatéliques françaises.

Le travail abattu par un seul homme est assez remarquable, d’autant que l’édition était hebdomadaire jusqu’en 1909.

Le N°363 du 27 décembre 1908 sera donc signalé comme bimensuelle, cette information restera sur la revue, même quand celle-ci ne paraîtra que mensuellement, après la guerre.

Le dernier numéro paraîtra en décembre 1925, ce sera le 567.

Ce dernier numéro étant paru sans information particulière, l'année 1925 n'aura d'ailleurs vu paraître que 3 numéros, après une pause de neuf mois, laissant supposer qu'Alfred Montader à eu des soucis de santé, cependant son étude sera ouverte au moins jusqu'en 1937.

En 1904 avec MM. Bernichon et Layus, il édita un nouveau catalogue : Le Catalogue Officiel, tiré a 5000 exemplaires, puis ensuite ils éditèrent tous les ans le Catalogue Général.

 

Ce qu'en disait le Timbre-Poste en décembre 1922 :


*La Philatélie et les Femmes.

Le moment est venu, je crois, de dire du mal des femmes : au point de vue philatélique, bien entendu.

Je ne vais pas, en effet, rabâcher les lieux communs écrits par les meilleurs esprits de tous les siècles, et depuis longtemps hors de discussion.

Le côté philatélique m’occupera donc seul.

Mais d’abord, posons un axiome et son corollaire.

Il est reconnu par tous, et prouvé du reste par d’innombrables faits, que la femme est un être impulsif, agissant, non selon les règles de la raison et du bon sens, mais sous l’empire de ses nerfs et de son humeur, commandés eux-mêmes par les minuscules événements extérieurs, tels que la température, l’heure ou le temps qu’il fait. Elle est donc, de par sa nature même, sauf minimes exceptions, incapable d’un effort persévérant et logique pour le développement continu et indéfini d’une œuvre qui demandera de la réflexion, de la ténacité et du sang-froid.

D’autre part, la collection de timbres est précisément la chose du monde qui exige le plus les qualités sus-énoncées. Donc les femmes, pour la plupart, sont incapables de comprendre la philatélie, son but, ses moyens, son utilité, et surtout de collectionner elles-mêmes.

Remarquez,  je vous prie, que je ne suis nullement misogyne ; personne n’a plus que moi de respect pour les femmes, ne les apprécie davantage et n’apporte plus d’urbanité dans les relations ; leurs mérites divers ne sont pas contestables, pas plus du reste que leur utilité, j’ose même dire leur indispensabilité ; elle saute aux yeux dans une foule de circonstances qu’il serait oiseux d’énumérer.

Je leur accorde donc tout, hormis un seul point ; elles sont belles, charmantes, aimables, intelligentes, tout ce qu’elles voudront en un mot, mais elles ne sont pas philatéliques ; elles ne le sont pas, ne l’ont jamais été, ne le seront probablement jamais, et ne peuvent pas l’être.

Nous pourrions apporter une foule de preuves de ces vérités. Cette sorte d’incapacité naturelle se manifeste clairement dès l’âge le plus tendre. Réfléchissez au nombre ridiculement petit, par exemple, de jeunes filles de dix à vingt ans collectionnant des timbres, par rapport à celui des jeunes gens d’âge correspondant. Y a-t-il la moindre comparaison à cet égard ? Les sociétés philatéliques, même en Angleterre, même en Amérique, comptent 100 sociétaires hommes contre un sociétaire femme : des catalogues des expositions ne nous amènent que des exposants masculins, sauf deux ou trois noms de femmes égarés par hasard. Aux grandes ventes, rien que des hommes ; lorsqu’une femme est présente, elle a l’air de se demander ce qu’elle fait là et paraît s’ennuyer profondément.

Plus tard après vingt ans, la proportion ne change pas et la différence s’augmente même.

Combien mes lecteurs connaissent-ils de jeunes filles de dix-huit à vingt-quatre ans collectionnant des timbres et s’y appliquant régulièrement ? Autre observation : les collections des femmes sont en général parmi les plus mal tenues ; elles sont désordonnées, alors qu’avec leur louable amour de la propreté et de l’ordre ce devrait être le contraire. Telle femme qui ne toucherait pas une fleur sans se laver vingt fois les mains, pour laquelle rien n’est assez frais ni assez beau, colle imperturbablement dans son album un exemplaire graisseux qui a roulé huit jours dans les boîtes à ordures. Faîtes cadeau à une femme d'un bibelot ébréché et vous verrez l’effet : en revanche offrez-lui pour sa collection un timbre écorné ou fendu, elle acceptera sans hésiter.

Trente-cinq ans est souvent l’âge où l’homme, ancien collectionneur, retrouve son album au fond d’un tiroir et se remet à la philatélie, parfois avec une ardeur plus grande et surtout plus raisonnée qu’auparavant.  La femme à cet âge ne collectionne que pour ses enfants et plus tard pour ses petits-enfants. La collection de timbres est pour elle un excellent moyen de faire tenir tranquilles et c’est ce qu’elle y voit de plus clair ; toute autre raison lui échappe.

Je connais une dame chef de comptabilité dans une maison importante et s’acquittant de cette tâche difficile avec une netteté et une précision admirables. Elle a le caractère le plus doux du monde ; c’est une petite souris travailleuse. Elle a deux fils d’une douzaine d’années qui collectionnent les timbres que leur mère leur apporte à sa grande joie, vu que pendant ce temps ils la laissent en paix. Elle a été fort étonnée le jour où je lui ai expliqué que si elle le voulait, grâce à ces timbres méprisés et ravalés par elle au rang de simples jouets, la mémoire et l’intelligence de ses enfants se développeraient étonnamment.

L’esprit et la méthode de classification, d’abord, si peu que les enfants réfléchissent en collant leurs timbres. La femme entre parenthèse est rebelle à cet esprit-là, qui n’est pas du tout le même que l’esprit de l’ordre. L’étude de la géographie ensuite : (vos enfants, lui ai-je dit, deviendront infailliblement forts, surtout si vous les obligez à rechercher sur des cartes détaillées les noms des oblitérations de leurs timbres.)

Les éléments des langues étrangères en troisième lieu, et l’écriture de ces langues elles-mêmes dont la compréhension leur deviendra familière, s’ils se mettent à correspondre sur ces objets avec des enfants étrangers de leur âge, ce qui est facile, vu les demandes de ce genre que l’on relève dans les annonces, principalement en Angleterre. Ma bonne dame n’avait jamais envisagé la question sous cet aspect ; son esprit pourtant mathématique de par ses fonctions ne s’était pas haussé jusque-là.

Observez que je ne lui ai nullement parlé de l’amour de la collection pour la collection même ; ni du plaisir simple et raffiné éprouvé par le collectionneur ; je n’eusse pas été compris.

Aux enfants il faut joindre les maris, car il y a en philatélie une question des maris. Les maris philatéliques s’accordent avec les femmes anti-philatéliques, à peu près comme le feu et l’eau. Ces philatélistes sont de trois sortes. D’abord les fortes têtes, les tyrans, ceux devant lesquels tremble leur femme, qui naturellement s’en prend aux timbres de ses ennuis. Ces maris philatéliques sont rares, vu qu’il y a peu d’hommes qui ne soient menés par leurs femmes, bien que beaucoup s’en défendent. Ils collectionnent tout ce qu’ils veulent, ouvertement, souvent à tort à travers.

Les suivants sont l’opposé des premiers. Leur femme, chose désastreuse, les conduit par le nez, ils n’osent ouvrir le bec. Leur collection dure peu et ne va jamais loin ; la bourgeoise y met fin rapidement.

Enfin, il y a la masse de ceux qui sont peu menés et qui mènent peu ; ceux auxquels leur femme laisse une paix et une liberté relatives, faites d’indifférente pitié et d’ignorance.

Le mari se garde de dire à sa femme ce que valent les timbres, et surtout ce qu’il a dépensé.

Il ment donc perpétuellement, soit ouvertement, soit par prétérition. Il se lance pour expliquer les envois, les renvois, les échanges, les lettres recommandées, dans des histoires compliquées ; elles le sont parfois tellement qu’il n’en peut plus sortir, d’où la catastrophe finale et le cinquième acte mouvementé où tout se découvre enfin, avec objurgations, récriminations, ripostes, contre-ripostes, lavage de linge sale accumulé depuis longtemps.

Il y a bien encore, à vrai dire, quelques ménages d’autre sorte, mais ils sont si peu nombreux qu’on peut les négliger.

Ce sont ceux où la femme, loin de gêner son mari, s’amuse elle-même de son amusement sans y croire beaucoup, ce qui double son mérite ; l’aide même parfois,  l’empêche de faire une folie, voire une bêtise, et lui rend sa collection plus agréable par le plaisir qu’elle feint d’éprouver, et que lui éprouve réellement, par la liberté de collectionner sous ses yeux et en famille.

Cette femme-là est la seule intelligente, les autres sont dans l’erreur absolue quoique elles en puissent penser. L’homme qui la plupart du temps a la charge de la famille, a besoin de trouver une distraction qui soit un dérivatif de ses préoccupations habituelles. Heureuses celles dont le mari chérit les timbres.

Il pourrait faire pis. Or, cette distraction est une des rare existantes qu’il puisse trouver à son foyer.

Heureuse au point de vue moral, la femme l’est également au simple point de vue économique. Je ne sais si beaucoup de collectionneurs oseront faire lire cet article à leur femme ; celles qui y jetteront les yeux peuvent chercher : elles ne trouveront pas une seconde distraction dont il soit possible de retrouver une partie importante de la somme dépensée. Je n’envisage même pas, et ceci à dessein, le cas où le collectionneur réaliserait un bénéfice avec sa collection ; même ayant été volé, même ayant fait ses achats dans les conditions les plus funestes, il retrouvera quelque chose.

Il est vraiment curieux que la femme n’ait jamais compris cette vérité : elle tenait constamment auprès d’elle et son mari et ses enfants par la collection de timbres, moyen tout à fait remarquable de resserrement de la famille. Les dépenses qu’ils faisaient de ce chef, loin d’être perdues, étaient représentées par un objet de défaite bien plus facile et bien plus avantageuse, ne lui en déplaise que les bijoux qu’elle possède. L’expérience est facile à faire : le mari n’a qu’à acheter à qui il voudra, sur une liste que je lui indiquerai 500 francs de timbres ; la femme, de son côté, achètera une bague de 500 francs, après quoi on revendra les uns et les autres et on verra alors combien on a perdu sur chacun. Bien que les bijoux aient par eux-mêmes une valeur intrinsèque, le résultat n’est pas douteux.

La femme m’objectera, il est vrai, que les bijoux lui servent à elle-même, alors que les timbres sont à son mari.

Il résulte de tout ceci que les timbres ont dans la femme une ennemie aveugle autant qu’acharnée. Je ne crois pas qu’il soit beaucoup possible de remédier à cette situation, la femme étant absolument rebelle à tout raisonnement et n’envisageant presque toujours que l’intérêt du moment dans ses désirs et ses goûts. Or l’intérêt du moment, d’accord avec ses désirs, lui commande d’acheter un chapeau et non un timbre. Ce chapeau, qui lui ira comme un mitre d’évêque à un chimpanzé, la hante depuis quelque temps déjà. Et si ce n’est pas un chapeau, c’est un jupon.

Je crois bien réfléchi, qu’il vaut mieux ne pas montrer cet article aux femmes. Elles auraient tôt fait de couper court à l’abonnement d’un journal aussi subversif.

Elles ne manqueraient pas d’ajouter que le directeur auteur de ces lignes est un fameux idiot, qui ne sait ce qu’il dit ; que sa femme doit être profondément malheureuse avec lui, vu qu’il ne comprend pas du tout la femme. En quoi elles auraient peut-être raison ; mais je suis en bonne compagnie, vu que personne n’y a jamais rien compris.

Du Postillon.

*Souhaits du "Postillon" pour l'année 1911 :

Au faussaires, truqueurs ou autres, la peine de mort.

Au directeur du Postillon, un acheteur qui lui achète son stock de timbres, pour se retirer en secouant sur le monde philatélique la poussière de ses sandales, ce qui ferait à tous le plus grand plaisir, mais surtout à lui-même.

C'est la grâce que je me souhaite.

Amen.


Dernière mise à jour : mars 2016